Le silence. Un silence serein habitait la chambre de l’être nouveau. En parlant de chambre, celle-ci n’avait aucunement l’air de ressembler une chambre conventionnelle. Excepté un simple lit limité au strict minimum, la chambre n’avait rien de bien humain. S’il fallait lui donner un adjectif ou un nom qui pouvait la décrire, chambre-laboratoire collerait exactement à l’image qu’elle donnait. Car, en effet, la chambre se révélait être un véritable arsenal de recherches ni plus ni moins. Anormale ? Sans doute. Quoi que la normalité n’existe pas. Tout est formaté par la société dans laquelle on vit. Si ce postulat s’avère juste, alors n’importe quel être humain est une société à lui seul.
Bien adossé dans son siège, Ribbons réfléchissait longuement sur la question du pourquoi il ne pouvait pas se socialiser comme le reste du monde et philosophait en parallèle sur la société pour essayer de trouver des réponses. C’est ainsi qu’il se mit à se questionner sur la normalité et ainsi qu’il conclut qu’un être humain est une société en lui-même. C’est ainsi aussi qu’il aboutit sur l’idée que tous les citoyens du monde, vivant dans une même société, vivaient dans l’hypocrisie la plus totale sans même s’en soucier tant ils s’en sont imprégnés. C’est pourquoi le jeune adolescent revenait irrémédiablement sur ses pas afin d’éviter ce genre détours de l’espèce humaine.
Une fois qu’il eut fini cette petite introspection et cet intéressant dialogue avec lui-même, Ribbons se replongea dans ses recherches après qu’il ait recherché des idées des Lumières dont le fameux Jean-Jacques Rousseau. Ses recherches avaient pour but d’étudier les propriétés et le fonctionnement des particules GN, sous-produits issus de la décomposition de la matière baryonique. Toutes ses recherches étaient consignées sur son terminal et dans son enregistreur vocal.
"…"
"…La décharge du photon et du positron de la décomposition non-évaporatoire du baryon est une réaction spontanée autosuffisante et autorégénérative…Toutefois cette réaction émet tout de même de la matière sous forme de particules…Comment est-ce possible ? Ces particules sont donc des sous-produits de la réaction. Autre fait troublant est de constater qu’aucune chaleur n’est dégagée dans ce processus. J’avais déjà théorisé que cette réaction était différente d’une combustion. Il s’agirait d’une réaction fondamentale ou élémentaire. Cette hypothèse s’avère être la seule possible. Quant aux sous-produits, ces particules possèdent des caractéristiques relatives à la lumière et aux ECM. Ceci dénote que ces particules sont régies par les lois des ondes. Ceci en plus des observations a permis de comprendre relativement bien la nature, les propriétés et le fonctionnement de ces particules. Je suis assez fier d’avoir contribué à ces découvertes et d’avoir participé à la conception des nouvelles machines…
Ribbons Almark, 24 janvier CE95, 18h57"
Après avoir fini son enregistrement, l’Extended se massa les tempes et ferma les yeux. Il faut dire qu’il travaillait excessivement. Cet acharnement s’expliquait par son insatiable faim de savoir et parce que ça lui évitait toutes ces réunions frivoles où il se retrouvait avec les siens. Rien ne l’exaspérait autant. Il ne souhaitait s’entretenir qu’avec son père. Il était en quelque sorte digne de ce que lui rapportait son fils tandis que ses frères et sœurs pouvaient s’en moquer comme de l’an quarante. Et puis, il ne souhaitait pas se mélanger aux autres même avec les membres de sa famille, famille qu’il connaissait pourtant que très peu. Il savait pertinemment que son père lui conjurait de s’ouvrir à sa famille mais cela s’avérait impossible à chaque fois. Et bien qu’il puisse faire des efforts, les autres ne faisaient pas montre d’attention. Ribbons eut par conséquent l’audace de mettre son père en demeure de cesser ses vaines velléités de socialisation. S’il devait réellement rentrer dans le monde, l’Extended le ferait de sa propre initiative. Il avait de l’ambition et la volonté de réaliser ce qu’il tournait en tête. Son père avait donné son amour qui ne put toucher son fils. Ainsi tenu en échec depuis l’enfance, le chef de Tempest Corp. n’était plus en droit de demander à son fils de changer. Il se devait de le respecter, point final.
De toute façon, quoique puisse penser son père, celui-ci devait bien avouer que son comportement était le plus apte à diriger, le plus apte à penser objectivement, le plus apte à suivre ses desseins, le plus apte à être digne des idéaux que prônent l’homme révolutionnaire. Laisser parler ses sentiments est dangereux au point de mettre en péril le monde par manque de clairvoyance, d’impartialité et d’objectivité. Cette façon de pensée peut paraître surprenante pour un jeune garçon comme Ribbons mais il est ainsi grâce à son désir de tout comprendre, et lire des essais philosophiques notamment. Par ailleurs, il se voue à Dieu ce qui le démarque de la société et donc l’éloigne des principes des sociétés.
Cette résurgence sur les causes de la personnalité de l’Extended achevée, une communication vint donner du répit au jeune adolescent. Il était appelé par son père. Il irait voir son précepteur sans broncher. C’était même un honneur que d’être convoqué. Et pour faire honneur à son père, Ribbons se changea histoire de se présenter respectueusement. Une fois préparé, il jeta un dernier coup d’œil à sa chambre, mis son ordinateur en veille après avoir sauvegardé les données à propos de ses recherches et verrouilla sa cabine direction le grand salon où l’attendait le futur homme fort du monde.